R. SCHUMANN Concerto pour piano en la m op. 54
R. SCHUMANN Symphonie n°3 « Rhénane » en mi b M op. 97
Martin Helmchen (27, 28/02), Alexander Lonquich (02, 03/03), piano
Philippe Herreweghe, direction
Programme exclusivement consacré à Robert Schumann, « Paysages Rhénans » rejoint une des lignes de forces de notre saison et pourrait sans aucun doute faire partie du cycle « Brahms Perspectives », tant les œuvres et destinées de ces deux géants du romantisme allemand sont étroitement mêlées.
« Le fleuve s’étalait devant moi, calme, silencieux, serein et fier comme un dieu antique » écrit Schumann émerveillé, dans une lettre à sa mère, lorsqu’il découvre le Rhin le 13 mai 1829, à l’âge de dix-huit ans. Cette fascination ne le quittera pas sa vie durant, jusqu’à son saut dans les eaux glacées du Vater Rhein, quelques mois avant sa mort à l’asile d’Endenich, également à deux pas du fleuve.
Le Rhin entre véritablement dans son œuvre en 1840 avec le lied « Der Deutsche Rhein », d’après le poème patriotique de Nicolaus Becker « Rheinlied ». C’est l’année suivante, en 1841, que naît le Concerto pour piano op. 54 dans sa première forme (une Fantaisie qui deviendra le premier mouvement définitif). Quatre ans plus tard, Schumann lui adjoint l’Intermezzo et le Finale, dans une cohérence parfaite avec le projet initial. Avec cette œuvre, il rompt avec le genre du concerto « morceau de bravoure » ou « mise en scène d’un héros » (selon l’expression de Rémy Stricker) auquel se sont adonnés ses contemporains Mendelssohn, Chopin et Liszt, si différents soient-ils les uns des autres. Schumann décrivait son « prototype » comme « quelque chose entre le concerto, la symphonie et la grande sonate ». Ici, comme l’écrit André Boucourechliev, « le piano ne s’oppose pas à la masse orchestrale, mais s’y intègre, il dialogue avec chaque groupe d’instruments, et l’orchestration a la transparence de la musique de chambre ».
C’est dire si le choix du soliste est crucial pour trouver la juste synthèse entre ces formes. L’Orchestre des Champs-Elysées dialoguera à cette occasion avec deux grands pianistes de notre époque : Martin Helmchen et Alexander Lonquich. Tous deux allemands, interprètes assidus de l’œuvre de Schumann au disque et à la scène, ils consacrent une grande partie de leur temps à la musique de chambre. La collaboration avec Martin Helmchen, né à 1982 à Berlin, sera une première. Schumannien de longue date malgré sa jeune carrière, il a déjà gravé deux magnifiques enregistrements : pour piano seul avec les Etudes symphoniques op.13, les Scènes de la Forêt op. 82, et l’Arabeske op. 18, et avec orchestre avec le Concerto, alliant dans les deux cas le plus grand naturel à une grande intériorité.
Alexander Lonquich est, lui, un partenaire de longue date, qui a su créer avec l’orchestre une très grande complicité, de laquelle est né notamment un très bel enregistrement du Concerto op. 21 de Chopin.
Cinq ans après le Concerto est créée la Symphonie n°3 en mi bémol M op. 97, deuxième en date des quatre symphonies de Schumann. Elle doit son appellation « Rhénane » au sous-titre initialement imaginé par le compositeur « Episode d’une vie sur les bords du Rhin ». Populaire, la « Rhénane » l’est autant par sa renommée que par son inspiration thématique et folklorique, « toute bruissante de mélodies populaires et de valses rustique de Rhénanie » (Brigitte François Sappey). Ces cinq mouvements et son caractère « thématique » la situent dans une filiation issue de l’Eroica de Beethoven (1805) et passant par la Fantastique (au titre original « Episode de la vie d’un artiste ») de Berlioz (1830). Comme dans ses deux modèles, le mouvement ajouté à l’équilibre classique est le quatrième. « Orage » chez Beethoven, « Marche au Supplice » chez Berlioz, le quatrième mouvement chez Schumann se nomme sobrement « Feierlich » (solennel). Le compositeur érige ici une cathédrale sonore dont le choral de cuivres fait déjà pressentir les fresques brucknériennes. Le mouvement fut inspiré par la vue de la Cathédrale de Cologne, merveille gothique située sur les bords du Rhin. Schumann en a traduit la majesté en musique dans ce quatrième mouvement, inspirant à Tchaïkovski ces mots : « une seule page du musicien, inspiré par les grandioses beautés de la cathédrale, suffit à constituer, pour les générations à venir, un monument aussi indestructible, dédié à l’âme humaine, que celle de la cathédrale elle-même ».