H. WOLF Six "Mörike-Lieder"
G. MAHLER "Lieder eines fahrenden Gesellen"
J. BRAHMS Symphonie n°1 en ut m op. 68
Dietrich Henschel, baryton
Philippe Herreweghe, direction
Le premier programme de la saison 2017-2018 ouvre également un vaste cycle consacré à Brahms qui se déploiera sur plusieurs années, mettant en perspective ses œuvres symphoniques et concertantes avec les chefs d’œuvres romantiques et post-romantiques d’autres compositeurs d’horizons différents, ici Gustav Mahler et Hugo Wolf.
Tous deux nés en 1860, ils intègrent le Conservatoire de Vienne également la même année, en 1875. Le premier se fera auprès du second le fervent défenseur des avant-gardes, Wagner et Liszt en particulier.
La sélection de six Mörike lieder présentée ici, du nom du poète, pasteur et théologien allemand Eduard Mörike (1804-1875), est issue d’un très vaste cycle de cinquante-trois lieder composés par Wolf entre février et novembre 1888. Ce millésime reste sans équivalent dans la vie du compositeur qui écrit au cours de cette seule année la moitié de son œuvre, tant il a trouvé dans la poésie de Mörike, où la pitié fervente côtoie les fantasmes érotiques, le libérateur de sa créativité, de son inspiration, et de son âme torturée.
Mahler a 25 ans lorsqu’il écrit quelques années auparavant, d’abord pour voix et piano, ce premier cycle de lieder, chants de passion et de douleur, né de son amour fou pour l’actrice Johanna Richter. Trois des quatre textes sont de la main même de Mahler et dédiés à la jeune femme. Ils seront orchestrés par le compositeur entre 1891 et 1895, puis quelques décennies plus tard par Arnold Schoenberg, cette fois pour un effectif plus restreint.
Wolf revoit Mahler en 1897, alors que ce dernier est devenu directeur de l'opéra de Vienne. Selon Marc Vignal, « il force la porte du nouveau directeur, exige la mise à l'étude et la représentation immédiate de son Corregidor. Éconduit, il s'enfuit éperdu sur le Ring, interpelle les passants, se prend bientôt pour Mahler : c'est le début d'une de ses crises de folie… ».
Pour Mahler comme pour Wolf, le baryton Dietrich Henschel est un partenaire rêvé. Lui qui a tant servi Schubert, Strauss, Berg, a en effet toujours accordé une place privilégiée à la musique allemande des XIXe et XXe siècles. Il y excelle en faisant littéralement corps avec chaque note et chaque mot. Un interprète unique.
A cette première partie consacrée au lied, répond une deuxième purement symphonique, et c’est tout naturellement la Première Symphonie qui ouvre ce cycle Brahms Perspectives.
Si certaines esquisses remontent à 1862, l’œuvre ne sera pourtant terminée et créée qu’en 1876, tant il était difficile pour un compositeur d’écrire une symphonie après la 9e de Beethoven. Son ombre plane sans conteste sur cette Première de Brahms, dont la création fut un succès et que le grand chef d’orchestre Hans von Bülow n’hésita pas à surnommer la « 10e » de Beethoven !
Contemporaine de Siegfried et du Crépuscule des Dieux créés la même année, elle fait figure de retour à la grande symphonie classique. Wolf, défenseur de Wagner et de Liszt, méprisait profondément Brahms, duquel il disait que « dans un seul coup de cymbale de Liszt il y avait plus d'esprit et de sentiment que dans l'ensemble des symphonies de Brahms ».
Brahms, longtemps considéré à tort comme réactionnaire, inspirera les modernes, et Schoenberg et l’Ecole de Vienne le réconcilieront avec Wolf quelques décennies plus tard, témoignant à l’un comme à l’autre déférence et admiration.