Orchestre des Champs-Elysées

Brahms Perspectives #2

R. SCHUMANN Concerto pour piano en la m op. 54
J. BRAHMS Symphonie n°3 en fa M op. 90

Alexander Lonquich, piano (sauf 29/05)
Nelson Goerner, piano (29/05)
Philippe Herreweghe, direction

Aux antagonismes de notre premier volet "Brahms Perspectives" qui faisait la part belle à Wolf l’anti-brahmsien succède la communion affective et artistique de ce programme Brahms-Schumann. La rencontre des deux hommes fut une révélation. A l’automne 1853, Schumann reprenait sa plume de journaliste qu’il avait abandonnée depuis dix ans, pour saluer l’inconnu d’alors : « Johannes Brahms : un nouveau génie ! ».

Schumann ne le connaît pas encore lorsqu’en 1841, il compose son Concerto pour piano op. 54 dans sa première forme (une « Fantaisie » qui deviendra le premier mouvement définitif). Quatre ans plus tard, Schumann lui adjoint l’Intermezzo et le Finale, dans une cohérence parfaite avec le projet initial. Avec cette œuvre, il rompt avec le genre du concerto « morceau de bravoure » ou « mise en scène d’un héros » (selon l’expression de Rémy Stricker) auquel se sont adonnés ses contemporains Mendelssohn, Chopin et Liszt, si différents soient-ils les uns des autres. Schumann décrivait son « prototype » comme « quelque chose entre le concerto, la symphonie et la grande sonate ». Ici, comme l’écrit André Boucourechliev, « le piano ne s’oppose pas à la masse orchestrale, mais s’y intègre, il dialogue avec chaque groupe d’instruments, et l’orchestration a la transparence de la musique de chambre ». C’est dire si le choix du soliste est crucial pour trouver la juste synthèse entre ces formes. L’Orchestre des Champs-Elysées dialoguera à cette occasion avec un grand pianiste de notre époque : Alexander Lonquich. Partenaire de longue date, il a su créer avec l’orchestre une très grande complicité, de laquelle est né notamment un très bel enregistrement du Concerto op. 21 de Chopin.

Brahms a cinquante ans lorsqu’il compose sa Troisième Symphonie. Il consacrera cette année 1883 exclusivement à cette œuvre. Avec toutes les précautions nécessaires lorsqu’il s’agit de mettre en regard l’œuvre de Brahms avec celle de Beethoven, on peut s’amuser à dire qu’à la Première « Pathétique » et à la Deuxième « Pastorale », succède cette Troisième « Héroïque ». C’est d’ailleurs le surnom que donna à cette symphonie le grand chef d’orchestre Hans Richter, qui en dirigea la création le 2 décembre 1883 avec le Philharmonique de Vienne.
Les deux mouvements extrêmes incarnent le mieux ce surnom, le final offrant un pendant sombre à l’héroïsme lumineux du premier mouvement, lequel est sous-tendu par les accords « F » (« fa »)  « A » (« la »)  « F » (« fa »), les trois lettres symboliques de la devise adoptée ici par Brahms signifiant « Frei Aber Froh » (« libre mais joyeux »), en opposition à celle de son ami et dédicataire du Concerto pour violon Joseph Joachim « Frei Aber Einsam » (« libre mais solitaire »). Les deux mouvements centraux donnent son équilibre à l’œuvre, apportant respiration et calme méditatif, le troisième mouvement tenant ici plus du pur intermezzo brahmsien que du scherzo avec trio dont il garde uniquement le cadre.
A la fin de 1883, la nouvelle d’une Troisième Symphonie avait parcouru l’Europe musicale et attisé les convoitises des organisateurs de concert. Le succès de la première à Vienne fut retentissant, se prolongea et se répendit à travers l’Europe, jusqu’en Russie et aux Etats-Unis, au point que son créateur finit par se méfier de son propre chef d’œuvre, le suspectant de faire de l’ombre au reste de sa production, l’appelant même « la symphonie malheureusement trop célèbre »

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Adrienn Orbanhegyi / 123RF