L. v. BEETHOVEN
Eva Zaïcik, mezzo soprano
Philippe Herreweghe, direction
Au fil des saisons, l’Orchestre des Champs-Élysées a fait de la Missa Solemnis une des clés de voûte de son répertoire. Enregistrée à deux reprises (Harmonia Mundi/1995 et Phi-Outhere/2012), le grand chef d’œuvre choral testamentaire de Beethoven (publié un mois après sa mort, il ne l’entendra pas entier de son vivant) est de ces partitions pour lesquelles chaque nouvelle répétition, chaque nouveau concert, révèle un peu plus de beauté, de profondeur et de grandeur.
La grandeur des modèles d’abord, Bach et surtout Haendel, dont les thèmes parsèment les marges des esquisses. Et sa tonalité principale de ré M qui fait écho, 70 ans après, à la Messe en si de Jean-Sébastien Bach. Comme dans la sonate pour piano opus 110 ou la Grande Fugue op.133, le contrepoint appris de Haendel et de Bach atteint dans la Missa Solemnis un nouvel apogée. La fugue du Gloria, et plus encore celle du Credo (plus longue fugue chorale jamais écrite), se dressent tels les piliers de l’œuvre.
Achevée en 1822, la Missa Solemnis fait partie du corpus exceptionnel que compose Beethoven dans ses dernières années, avec les trois dernières sonates pour piano (1820-1822), les derniers quatuors 12 à 16 (1822-1826), et la Neuvième symphonie op. 125 (1822-1824), dont le finale avec chœur, aussi en ré M, a été sans aucun doute mûri pendant cette période.
La messe s’ouvre par le ré M majestueux, calme et lumineux du Kyrie et se referme sans emphase, dans l’humilité des dernières mesures de l’Agnus Dei. L’humilité semble seoir à l’œuvre entière : au regard des compositeurs du passé, mais aussi au regard du texte. On sait que Beethoven attacha un soin tout particulier à comprendre la signification précise et profonde de chaque mot, et s’attacha à les illustrer avec la plus grande fidélité. Ainsi retraduisit-il lui-même les textes de « l’ordinaire » liturgique sur lequel se base sa messe (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei).
Beethoven ne met pas ici en scène un Dieu de terreur, à la stature écrasante, mais reste toujours à hauteur d’homme. Et lorsque le chaos règne, c’est sous les traits d’une scène de bataille.
Nul hasard si le dernier tiers du Credo, c’est à dire la fugue quasiment tout entière, est consacré à l’unique vers « Et vitam venturi saeculi » - « la vie du monde à venir », faisant écho aux préoccupations de Beethoven pour l’avenir des peuples, leur émancipation.
Comme la plupart des chefs d’œuvres du « dernier » Beethoven, la Missa Solemnis est une œuvre dont les richesses se dévoilent au fil des écoutes et des interprétations, et il n’y aura pas assez des dix concerts à travers les plus grandes salles d’Europe qui jalonneront cette grande tournée pour en percer tous les mystères et en découvrir toutes les beautés.