L.v. Beethoven Symphonie n°3 en mi b M op. 55 « Héroïque »
L. Cherubini Requiem en ut m
Collegium Vocale Gent
Philippe Herreweghe, direction
Beethoven (1770-1827) et Cherubini (1760-1842) connaissaient bien leurs œuvres respectives et se sont même rencontrés à Vienne à l'été 1805. Des témoignages convergents attestent de l'admiration de Beethoven pour son aîné, au point de déclarer que ce dernier était le plus grand compositeur vivant.
Le Requiem en ut mineur, pour voix mixtes, fut composé et créé à Paris en 1817 pour commémorer le 20ème anniversaire de la mort de Louis XVI. Marqué par un profond recueillement et une attention particulière accordée à la prosodie latine, il coïncide avec la redécouverte en France du répertoire sacré de la Renaissance, les œuvres de Josquin et Palestrina en tête. Chaque verset est mis en musique au plus près des inflexions du texte latin, et la musique semble découler de cette déclamation. Quelques fugues mises à part (Offertoire), l'expression reste majoritairement homorythmique. Le Dies iræ, dans cette économie de moyens, est particulièrement saisissant.
L'absence de solistes participe de l'intériorité de cette œuvre de dévotion plus que de concert, qui s'inscrit dans une période de retour à une certaine sobriété musicale du culte. Beethoven dira qu'il aurait volontiers signé cette œuvre, précédent par son admiration Brahms et Schumann, et même le parfois sévère Berlioz qui louera « l'abondance des idées, l'ampleur des formes, la hauteur soutenue du style, [...] la constante vérité d'expression ».
Le contraste est ainsi saisissant avec l'esprit dans lequel naissait plus d'une décennie plus tôt la Troisième Symphonie de Beethoven "Héroïque" op.55 (1805), geste créateur à la puissance novatrice exceptionnelle dont la portée dépassa très largement son époque et son siècle.
Philippe Herreweghe est ici dans son jardin, entre le grand répertoire choral religieux et le corpus symphonique beethovenien, entre deux compositeurs que tant semblait opposer mais qui étaient réunis par une admiration mutuelle. Ainsi Cherubini, qui traita Beethoven d' "ourson mal léché", et déclara après avoir entendu son opéra Léonore qu' "en raison de la confusion de modulations, [il n'était] pas en mesure de reconnaître la tonalité principale" n'en reconnaissait pas moins que « les plus grands esprits musicaux qui [avaient] jamais vécu ou [vivraient, étaient] Beethoven et Mozart ». Deux requiems furent joués à la mort de Beethoven en 1827 : celui de Mozart, et celui en ut mineur de Cherubini...