Orchestre des Champs-Elysées

Nouveau Monde

A. DVOŘÁK Concerto pour violoncelle en si m op. 104
A. DVOŘÁK Symphonie n°9 en mi m op. 95 « Nouveau Monde »

Nicolas Altstaedt, violoncelle
Philippe Herreweghe, direction

 

Nouvelle saison : Nouveau(x) Monde(s) ! Celui de Dvorak pour cette première production de l’année, mais plus tard ceux de Patricia Kopatchinskaia qui nous emmène à chaque nouvelle rencontre dans des contrées inconnues, ou encore de Guillaume Gallienne à l’Opéra Comique mettant en scène l’Heure Espagnole de Ravel et Pulcinella de Stravinsky, deux œuvres entrant au répertoire de l’Orchestre des Champs-Élysées.

Lorsque Dvorak compose sa 9ème symphonie en mi mineur « Du Nouveau Monde » en 1893, il est alors directeur du Conservatoire de New York. C’est une commande du chef d’orchestre Theodore Thomas qui désire créer une œuvre qui refléterait la musique américaine et son identité culturelle. Profondément intéressé et influencé par la musique folklorique américaine et afro-américaine entendue pendant son séjour aux États-Unis (1892-1896) Dvorak s’ingénia alors à incorporer à son œuvre ses récentes influences, comme il l’explique dans un article publié le 15 décembre 1893 dans le New York Herald  : « Je n'ai utilisé aucune des mélodies indiennes. J'ai simplement écrit des thèmes originaux englobant les particularités de cette musique et, utilisant ces thèmes comme sujets, je les ai développés avec les moyens des rythmes modernes, contrepoints et couleurs orchestrales. » C’est par exemple dans le premier mouvement, les rythmes pointés et syncopés, dans le deuxième les imitations de chants du Far West d’origine celte irlandaise, ou dans le troisième la peinture d’une « fête de la forêt » avec une danse des Peaux-Rouges, inspirée du poème The Song of Hiawatha du poète épique Henry Wadsworth Longfellow (1807-1882). Le génie de Dvorak permet à ses inspirations si « exotiques »  de s’intégrer admirablement à sa propre identité artistique faite de folklore slave, de lyrisme pastoral, et de rigueur brahmsienne. L’œuvre sera publiée chez Simrock. C’est d’ailleurs Brahms qui en effectua la correction des épreuves.

Riche et puissante, d’une remarquable clarté formelle, le « Nouveau Monde » est de ces œuvres qui abolissent les frontières entre musique savante et musique populaire. Elle rencontra un succès exceptionnel qui ne se démentit jamais, irriguant au fil du temps la chanson, la musique de film, et renaissant, juste retour des choses, sous la forme d’un standard américain intitulé Going Home. Parfaite postérité, Neil Armstrong en emporta un enregistrement audio lors de la mission Apollo 11, la première à déposer un homme sur la Lune, en 1969.

Composé deux ans plus tard, le Concerto pour violoncelle n°2 en si mineur est aussi une œuvre de la période américaine. Dvorak avait fait la tentative d’un premier concerto en 1865 qui n’avait pas abouti : il était peu convaincu par les capacités « solistiques » du violoncelle dont il n’aimait pas la sonorité  « avec ses aigus nasillards et ses graves qui marmonnent ». Il change d’avis alors lorsqu’il assiste en avril 1894 à un concert de sa Symphonie du Nouveau Monde qui partage alors l’affiche avec le Second Concerto pour violoncelle de Victor Herbert. L’œuvre le convainc enfin de la pertinence d’un tel projet. Dvorak choisit cependant de s’éloigner de la forme habituel du concerto instrumental en utilisant un orchestre particulièrement fourni qui rapproche parfois son œuvre d’une symphonie avec violoncelle principal, choix que fera Prokofiev cinquante ans plus tard avec sa « Symphonie Concertante pour violoncelle » (1952). Tout l’imaginaire de Dvořák défile dans cette partition débordante d’idées : la sombre forêt de Bohême et la puissante Moldau, le gazouillis des oiseaux et les accents des orchestres populaires bohémiens, la nostalgie de la lointaine patrie ; et, au milieu de tant d’émotions, la figure fragile de Josefina, son amour de jeunesse qui vient de mourir, et qui infléchit la partition vers une tragédie feutrée.

La réussite incontestable de Dvorak fit dire à son fidèle ami Brahms : « Si j’avais su que l’on pouvait tirer de tels accents du violoncelle, j’aurais écrit depuis longtemps un concerto pour cet instrument. »

L’orchestre retrouve pour ce concerto le merveilleux violoncelliste franco-allemand Nicolas Altstaedt, qui développe conjointement une carrière de soliste, de chef d’orchestre et de directeur artistique. Il nous avait émerveillé par le naturel de ses phrasés dans le concerto de Schumann, l’entendre dans ce chef d’œuvre de Dvorak est à ne rater sous aucun prétexte !

 

Crédits photo: 
michelle-spollen