W.A. MOZART Messe en ut m K. 427
Siobhan Stagg, soprano
Sophie Harmsen, mezzo-soprano
Sebastian Kohlhepp, ténor
Krešimir Stražanac, basse
Collegium Vocale Gent
Philippe Herreweghe, direction
Après la grande tournée de l’automne articulée autour du Requiem, le cycle consacré à la musique sacrée de Mozart continue en ce début d’année, dans le cadre de la Mozartwoche de Salzburg, avec son autre grand chef d’œuvre liturgique : la Grande Messe en ut mineur.
Mozart évoque sa genèse dans une lettre à son père datée du 4 janvier 1783 : « J’ai vraiment fait la promesse au fond de mon cœur et espère bien la tenir. Lorsque j'ai fait ce serment, ma femme était encore célibataire - et comme j'étais fermement décidé à l'épouser peu après sa guérison, il m'était facile de faire cette promesse - mais le temps et les circonstances ont empêché notre voyage, comme vous le savez; - et comme preuve de la sincérité de mon serment, j'ai ici la partition d'une messe à moitié composée, qui attend d'être portée à son terme. » Tout est contenu dans ces quelques lignes : le rapport complexe de Mozart à son père, qui semble rendre confus les choses simples qu’il a à lui dire, et le tendre amour pour Constance (qu’il épousera sans le consentement de celui-ci), moteur de la composition de cette messe qui bien qu'inachevée, reste le plus accompli des chefs d'œuvre d'église de Mozart.
En effet, contrairement au Requiem dont il n’a laissé qu’une ossature restant à orchestrer (à l’exception des premières pages), la plupart des mouvements de la Grande Messe (Kyrie, Gloria, Credo jusqu’à l’Et Incarnatus est, Sanctus et Benedictus) sont terminés. Il ne manque en définitive que la fin du Credo et l’Agnus Dei/Dona nobis pacem.
Il la compose peu de temps après son installation à Vienne en 1781, date pivot dans sa vie, qui est marquée d’une part par la prise de distance géographique et psychologique avec son père et de l’autre, ainsi qu’il l’écrit à ce dernier le 10 avril 1782, par la découverte des maîtres baroques « tous les dimanches à 12 heures chez le Baron Van Swieten [où] on ne joue que Haendel et Bach ». Mozart se constitue alors une collection de fugues de Bach, tant de Jean-Sébastien que de Carl Philipp Emanuel et de Wilhelm Friedemann. La Grande Messe est profondément empreinte de l’art de ces maîtres récemment découverts. Son contrepoint, ses proportions dépassent de très loin les précédentes tentatives de Mozart dans ce domaine. Le Kyrie est la parfaite illustration de la synthèse que le compositeur réussit ici entre le sacré et le profane de ses sentiments pour la femme qu’il aime. Ainsi les premières mesures, aux motifs articulés en deux notes liées puis deux détachées, installent une marche, une procession qui annonce, sept ans avant, les premières mesures du Requiem. L’arpège ascendant du Kyrie Eleison clamé par le chœur parachève la solennité de cette introduction, jusqu’au virage modulant au relatif majeur, qui d’un geste éclaire et apaise, sur l’entrée en scène miraculeuse du Christe. Tout s’allège, laissant place au solo de soprano, presque fragile après la densité d’écriture du Kyrie Eleison. La musique devient alors lumineuse, dans la tonalité solaire de mi bémol majeur.
A l’occasion de cette production, l’Orchestre des Champs-Elysées et le Collegium Vocale Gent, aux côtés de Siobhan Stagg, Sophie Harmsen, Sebastian Kohlhepp, Krešimir Stražanac, dirigés par Philippe Herreweghe, auront l’immense privilège d’interpréter cette musique aussi humaine que divine au cœur de la ville natale du génie, dans la prestigieuse Haus für Mozart de Salzburg.