Orchestre des Champs-Elysées

Brahms Requiem(s)

J. BRAHMS « Ein Deutsches Requiem » op. 45
J. BRAHMS - H.d. VLIEGER « Vier ernste Gesänge » op. 121

Ilse Eerens, soprano
Kresimir Strazanac, basse

Collegium Vocale Gent
Philippe Herreweghe, direction

La saison s’ouvre avec l’un des chefs d’oeuvre de la musique chorale de Brahms : le Deutsches Requiem. Gravé en 1996 pour Harmonia Mundi avec Christiane Oelze, Gerald Finley, et déjà, bien sûr, le Collegium Vocale Gent, il fut l’une des premières oeuvres de Brahms à entrer au répertoire de l’Orchestre des Champs-Elysées. C’est cette fois la soprano Ilse Eerens, au timbre d’une pureté exceptionnelle, et le jeune baryton Kresimir Strazanac, qui interprèteront les deux parties solistes, du TAP de Poitiers au Théâtre des Champs-Elysées, en passant par l’Auditorium de Dijon et De Bijloke à Gand.

Lorsque le projet se concrétise en 1866, il semble que Brahms a depuis déjà de nombreuses années l’envie de composer un Requiem. L’idée est née vraisemblablement en 1856 à la mort de Schumann, l’aîné bienveillant et l’ami fidèle. Le décès de sa mère, en 1865, sera l’élément déclencheur. Le souvenir de ces deux êtres chers donne à ce Requiem sa tonalité particulière, tendre et lumineuse. Le caractère intime et personnel de cette composition incite d’ailleurs Brahms à innover, faisant de cette oeuvre un tournant. Clara Schumann, une des premières à en entendre des extraits au piano, saisit tout de suite cette dualité dans son journal en août 1866 : « Johannes m’a joué quelques magnifiques mouvements d’un Requiem de sa composition […] Il est tout plein d’idées tendres et aussi d’idées audacieuses. Je ne sais pas encore très clairement comment cela sonnera, mais en moi il sonne magnifiquement ».
Lecteur quotidien de la Bible, qu’il tenait près de lui en permanence, Brahms a lui-même sélectionné un ensemble de textes issus de l’Ancien et du Nouveau Testament correspondant au caractère qu’il souhaite donner à son Requiem. Aucune prière des morts telle qu’employée habituellement au cours de l’office. Brahms n’insiste pas non plus sur le jour de colère et n’évoque les trompettes du Jugement Dernier que d’une façon relativement fugace. Compte tenu du contexte, on comprend aisément en revanche pourquoi il met l’accent sur cette réunion de ceux qui se sont aimés ici-bas. L’esprit de tendresse et de douceur qui berce une grande part de l’oeuvre est le fruit de ce choix de textes et de leur traitement thématique, harmonique et orchestral. Malgré tout ce qui les différencie, seul le Requiem de Fauré semble baigné de la même douce lumière. Comme Fauré, Brahms n’utilise d’ailleurs pas les violons dans le premier mouvement. Comme l’écrit Claude Rostand dans sa grande biographie de Brahms : « dans leurs musiques funèbres, les deux compositeurs se sont comportés davantage en hommes qu’en fidèles, et ils ont tous deux illustré une conception de la mort et de la vie éternelle dépassant sensiblement la lettre de leurs religions respectives ».
La création des trois premiers mouvements le 1er décembre 1867 dans la Grosse Redoutensaal de Vienne, lors d’un concert donné à la mémoire de Schubert, fut un ratage retentissant, dû à une inexplicable erreur du timbalier qui tambourina sa partie fortissimo dans le troisième mouvement, couvrant ainsi tous les autres instruments et provoquant de vives réactions parmi le public et les critiques, qui en tirèrent des jugements très négatifs à propos de l’oeuvre elle-même.
C’est grâce à la mobilisation du fidèle Carl Reinthaler, directeur de la musique à Brême, grand centre musical de l’époque, qu’aura lieu une création cette fois complète, préparée avec un soin méticuleux, laquelle propulsera la notoriété de Brahms au firmament de l’Europe musicale d’alors.

Les « Vier Ernste Gesänge » (Quatre chants sérieux) op.121, publiés en 1896, année de la mort de Clara Schumann, sont les quatre ultimes lieder du compositeur. Egalement sur des textes issus de la Bible, ils sont le contrepoint naturel au Requiem, et, pour reprendre les mots du musicologue Roman Hinke « comme un hommage funèbre à un amour de jeunesse jamais oublié, à une amie vénérée ». Brahms exprime ainsi le souvenir de Clara dans une lettre à leur ami commun Joachim datant de la même année, alors que celle-ci est condamnée : « la pensée de la perdre ne peut plus nous effrayer […] quand elle nous aura quittés, nos visages ne rayonneront-ils pas de joie à son seul souvenir ? ».
La version donnée ici est une orchestration de la partition originale (pour voix et piano) par Henk de Vlieger réalisée en 2007, créée en 2013 par Philippe Herreweghe.

Cette tournée a bénéficié du soutien de la SPEDIDAM

Crédits photo: 
Miguel GLR